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Excellence Mr le Président de la République, Président du CNDD, MM. les membres du CNDD, Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, Excellence MM les Ambassadeurs, Représentants des Institutions Internationales. Mesdames et Messieurs, Chers frères et sœurs;
Avant tout, au nom de la famille politique de Elhadj Bâ Mamadou, je tiens à exprimer notre profonde gratitude aux Hautes Autorités de notre pays, au Président du CNDD, Président de la République, Chef de l’Etat, le Capitaine Moussa Dadis Camara, aux membres du CNDD et du Gouvernement ainsi qu’au Peuple de Guinée tout entier pour avoir honoré notre regretté Doyen à travers ces grandioses funérailles nationales ainsi que pour son élévation au rang d’Officier de l’Ordre National du Mérite.
Nous remercions les membres du Corps Diplomatique, tous les Cadres, Personnalités ainsi que toutes les Organisations représentant les Forces vives de la Nation qui nous ont apporté le vibrant témoignage de leur compassion.
Excellence Mr le Président de la République,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et sœurs,
Permettez moi de paraphraser le sage écrivain africain-malien Amadou Hampaté Bâ en commençant par dire : « un grand Baobab est tombé ! une grande Bibliothèque vient de brûler ! »
Le Doyen El Hadj Bâ Mamadou n’est plus !
Notre pays est endeuillé, la disparition de notre Doyen Elhadj. Bâ Mamadou le 26 Mai à Paris est une perte cruelle pour tous les Guinéens épris de liberté et de démocratie.
Le Doyen, comme nous l’appelions affectueusement, a été, pour nous un grand frère plein d’attention, courageux, franc et, par-dessus tout, généreux et infatigable dans l’expression de ses idées et opinions sur tous les sujets concernant notre pays dans sa lutte pour l’Etat de droit, la Démocratie, et le mieux être de nos populations. Il n’a cessé, sa vie durant, même au cours de sa dernière hospitalisation à Paris de mener inlassablement le combat pour que les guinéens puissent vivre à l’abri de la peur, à l’abri du besoin et dans la dignité.
Notre frère et ami, cet homme exceptionnel, qui a consacré toute sa vie pour les causes justes est né le 1er Avril 1930 à Boké.
Après ses études supérieures à l’Université de Rennes d’où il est sorti avec une licence en Mathématiques, le Doyen Bâ est rentré aux pays en 1957 pour servir à l’agence guinéenne de la Caisse Centrale qui était chargée de gérer le Fonds d’Investissement et de Développement Economique et Social (FIDES).
Après l’Indépendance en octobre 1958, il a participé à la création de la Banque Centrale de la République de Guinée et du Crédit National, avant d’être responsable du Commerce Intérieur. Avec l’étatisation du commerce en Guinée et la restriction des libertés fondamentales, Bâ Mamadou décide de quitter le Pays pour être en accord avec ses convictions. Il se retrouve en 1964 à la Banque Mondiale.
Après une expérience de cinq ans, Bâ Mamadou décidé à revenir en Afrique, part de la Banque Mondiale en 1968. Un an plus tard, il est condamné à mort par contumace sous la première République à l’occasion de ce qui avait été appelé « le complot Kaman-Fodéba ».
En 1970, bénéficiant de la confiance de partenaires qui l’ont vu à l’œuvre, il est chargé d’implanter une société de leasing (Crédit bail) en Afrique de l’Ouest et du Centre dans une société américaine avec l’aval du Gouvernement des Etats Unis (OPIC) et l’assistance de la Chase Manhattan Bank présidé par David Rockefeller qu’il avait eu à accompagner dans une de ses tournées africaines, notamment au Sénégal, au Cameroun et l’ex Zaïre (RDC) ;
Riche de toutes ces expériences, notre très regretté cher frère, entame à partir de 1974 une carrière dans le secteur privé en Côte d’Ivoire en créant sa propre société, la SIDECI (Société Internationale pour le Développement et la Construction Industrielle). Il réalisera, dans ce cadre, un programme de construction de 3.000 logements à Abidjan.
Après la disparition du Président Sékou Touré en 1984, Bâ Mamadou a hâte de rentrer dans son pays natal et apporte une contribution remarquée à la formulation de la nouvelle politique et à la rédaction du Discours Programme du 22 décembre 1985.
Le Doyen Bâ Mamadou se lance ensuite, avec courage, j’allais dire, avec la témérité qu’on lui connait, dans le combat pour la liberté d’expression et la démocratie multipartite.
C’est en ce moment qu’on voit apparaître ses célèbres pamphlets signés « Bâ Mamadou consultant », certains guinéens se doutant si l’auteur de tels papiers est quelqu’un de normal. Son premier texte « la Guinée peut-elle être redressée ? » suscite beaucoup d’engouement, de curiosités et de spéculations dans la cité. Dans ses écrits, le Doyen dénonçait courageusement les dérives du Pouvoir et faisait toujours des propositions pertinentes pour améliorer la gestion du Pays.
En 1991, bien avant l’élaboration et la promulgation de la Loi sur la liberté de la presse, Bâ Mamadou crée son journal « la Nouvelle République ». Le succès est retentissant. Le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité profère des menaces de saisie et d’emprisonnement. Le Doyen résiste, persévère et fait des émules. Les parutions continuent de plus belle au rythme de deux mille exemplaires par tirage bi–mensuel.
Un an après il fonde l’Union pour la Nouvelle République (UNR). Le combat politique se fait au grand jour.
L’UNR fait des tournées avec une audace extraordinaire même dans des Préfectures considérées comme « chasse gardée » du pouvoir. Par endroits des bagarres éclatent, les forces de l’ordre répriment, il y a des morts, des blessées, des dégâts matériels, comme ce fut le cas à Forécariah, Coyah, Boffa, Kindia, ici à Conakry etc…
Mais le doyen est infatigable et imperturbable, il dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit. A un moment se voyant harcelé et menacé, il contre-attaque par une formule visant plutôt à dissuader : « pour un œil les deux yeux, pour une dent, toute la gueule ». Bâ continue la lutte pour la liberté et la Démocratie. Il est le pionnier de la création de regroupements politiques tels le Forum Démocratique National, le Front de Lutte et de Gouvernement (FLUG), l’Alliance Electorale et de Gouvernement (ALEG), la Coordination de l’Opposition Démocratique (CODEM), le Front pour l’Alternance et la Démocratie (FRAD), il rencontre les syndicalistes, les leaders d’opinion et de nombreux groupes de citoyens épris de liberté et de progrès. Il cherche à unir tout le monde pour le changement démocratique. Il réussit ainsi à donner de l’ardeur de la combativité et du courage à beaucoup de gens. Les jeunes le suivent, à pieds, à motos, reprennent ses mots d’ordre. C’est avec beaucoup de peine qu’il voit les jeunes guinéens s’exiler par milliers, faute d’emploi et d’espoir. Il a été profondément peiné le jour de l’annonce de la mort tragique de Fodé et Yaguine dans le train d’un avion de la compagnie SABENA.
En 1993, candidat à l’élection Présidentielle, Bâ Mamadou mène une campagne des plus hardies. Aux résultats contestés par son parti, il arrive en 3ème position.
Aux élections législatives de Juin 1995, l’UNR s’en sort avec 9 députés. Bâ Mamadou préside le groupe parlementaire de la CODEM. Ces interventions et celles des membres de son groupe dérangent.
A la présidentielle de 1998, il est candidat de l’UPR, un parti né alors de la fusion de l’UNR et du PRP.
La mobilisation et la détermination des militants de gagner les élections galvanisent les énergies. Quand en fin de campagne la caravane entre à Conakry, le Palais du Peuple et son Esplanade sont noirs de monde. De nombreux militants étaient assurés de la victoire, le candidat Bâ Mamadou arrive en 2ème position. Ce scrutin est largement contesté, l’énervement s’empare de ses partisans. Pour éviter le pire, Bâ Mamadou prêche le calme et la sérénité.
En 2002, ayant perdu tout espoir de voir se tenir des consultations électorales crédibles, Bâ Mamadou tente vainement de convaincre la Direction de son parti de s’abstenir d’aller aux élections législatives. Par la suite il rejoindra l’UFDG où il reçoit un accueil chaleureux et dont on lui donne la Présidence.
L’UFDG continue son chemin, améliore son implantation.
Mais voici que Bâ Mamadou sentant le poids de l’âge décide de passer le flambeau à plus jeune que lui. Il jette son dévolu sur ma modeste personne et devient le Président d’Honneur de l’UFDG. Toujours dynamique, prêt à servir et à se rendre utile pour le parti et le pays, Elhadj Bâ Mamadou n’a jamais cessé de travailler. Il écrivait beaucoup, proposait des solutions aux problèmes, attaquait quand il le faut et était toujours prompt à redresser les torts.
Le Doyen s’est battu, toute sa vie, pour que triomphe la liberté, la justice et l’équité. Il a mené un combat acharné contre le mensonge, l’hypocrisie, la démagogie, l’oisiveté, la délation ; en un mot, contre toutes les tares qui sont à l’origine du retard de la Guinée.
Elhadj. Bâ Mamadou n’a ménagé aucun effort pour promouvoir l’amour et l’amitié entre les hommes ainsi que pour le progrès économique et social de la Guinée et de l’Afrique.
Nous garderons de lui le souvenir d’un grand Homme qui est resté constant dans ses engagements et ses opinions.
Pour les générations actuelles et futures le Doyen Bâ Mamadou constitue un symbole d’honnêteté, de sincérité et de courage intellectuel et physique.
Doyen Bâ Mamadou ! les guinéennes et les guinéens que tu as tant défendu te rendent un vibrant hommage et prient pour qu DIEU le TOUT PUISSANT t’accorde son paradis.
Doyen ! Repose en paix !
Elhadj Cellou Dalein Diallo
Président de l'UFDG
Beau discours mon president. Que la terre lui soit legère!!!